Prophétesses, magiciennes, druidesses et déesses
Ecrit par Constance Cousin
Les auteurs anciens, sources essentielles dans la compréhension du monde gaulois, sont les premiers à nous mettre sur la piste des prophétesses.
Elles étaient grises parce quâgées, raconte Strabon dans sa Géographie, portaient des tuniques blanches recouvertes par des manteaux du lin le plus fin et des ceintures de bronze. Ces femmes pénétraient dans le camp lépée à la main, se précipitaient sur les prisonniers, les couronnaient puis les conduisaient jusquà un chaudron de bronze
Une femme montait sur une marche et, se penchant au-dessus du chaudron, tranchait la gorge du prisonnier que lon maintenait sur le bord du récipient. Dautres découpaient le corps et, après avoir examiné les entrailles, prédisaient la victoire
Si Strabon fait preuve dun certain dégoût en décrivant les actions des prophétesses, les empereurs romains se montreront bien moins tatillons. En effet, dès le règne de Claude, certains empereurs -notamment Dioclétien, Aurélien ou Alexandre Sévère-, dédaignant les traditionnels haruspices, ont préféré voir lavenir à travers le regard des Gauloises. Et leur pouvoir était tel quelles ont pu jouir, dans leur tribu, dun statut presque divin. Ce fut sans doute le cas de Velléda, dont parle Tacite dans Histoires :
Il était interdit à quiconque dapprocher Velléda ou de sadresser à elle
Elle restait emmurée dans une haute tour, doù un membre de sa famille était chargé de transmettre questions et réponses, comme sil sagissait dune médiation entre un dieu et un adorateur.
Mais les prophétesses ne furent pas les seules à séduire les notables romains : les magiciennes gauloises étaient fort demandées, bien que discrètement, pour fabriquer des filtres ou lancer des malédictions.
En Gaule même, leur réputation nétait plus à faire et elles formaient même des clans ou des « guildes » de magiciennes. Cest en tout cas ce que révèle une tablette en plomb, couverte dinscriptions en gaulois, qui fut trouvée en 1983 dans le Larzac. Elle évoque une véritable « guerre de malédictions », que se livrèrent deux groupes de « femmes douées de magie » et dont un des clans a retracé lhistoire. Sans doute est-ce la mort de lune des principales magiciennes -la femme trouvée dans la tombe- qui mit fin à laffrontement.
Mais la magie et les prophéties ne font pas une religion. Les Gauloises avaient-elles donc un véritable rôle religieux ? Cest ce que prétend Pomponius Mela, auteur romain du Ier siècle après J.-C., en parlant des neuf vierges, gardiennes de lîle de Sein, à lOuest de la Bretagne. Strabon confirme à son tour en évoquant des prêtresses vivant sur une île à lembouchure de la Loire. Dans ce lieu interdit aux hommes, la coutume voulait que chaque année les druidesses reconstruisent, en une journée, le sanctuaire dont elles étaient les gardiennes, sans faire tomber un seul matériau, sous peine de mort. Enfin, la découverte à Chamalières, dans le Puy-de-Dôme, dune statue féminine portant torque et voile -deux signes religieux- suggère quil sagit là de la représentation de la druidesse, prêtresse du sanctuaire.
Des femmes druides en Gaule ? Il y en eut certainement. Et, quand on sait le rôle primordial des druides, leur haute fonction et leur pouvoir immense, cela ne fait que confirmer la place importante des femmes dans la société gauloise.
La mythologie nest pas non plus en reste : le culte dÉpona, la déesse cheval, est commun à presque toute la Gaule et sera adopté par les légions romaines ; de même, le culte des « déesses-mères, qui existe depuis le néolithique, est, selon Renée Grimaud, profondément ancré dans la tradition religieuse gauloise ». Déesses de labondance, de la fertilité, de la fécondité, protectrices des nouveau-nés, elles se retrouvent dans tout le monde celtique, sous forme de statues ou de bas-reliefs. Quant à Bélisama, si, à lest de la Gaule, elle est une sorte de déesse multifonctions du foyer, de la forge, de la poterie et de lémail, daprès Jacques Marseille, elle devient, au sud de la Seine, une « divinité guerrière, une déesse féroce de la bataille et du carnage, volant au-dessus des combattants et jetant la panique chez lennemi ».
Des déesses qui nont donc rien à voir avec celles de la mythologie grecque ou romaine, désignées généralement comme la femme ou la fille dun dieu. Les déesses gauloises sont indépendantes et ne doivent leur pouvoir à personne
source : historia-nostra