• Merlin

    Merlin devin

    Merlin était à la fois aimé et craint dans les deux Bretagnes. Aimé parce qu'à sa manière parfois étrange il n'avait jamais fait que le bien. Craint parce qu'il savait tant de choses, et qu'il pouvait lire dans les esprits les secrets les mieux gardés.
    Voyant un jour la reine entrer dans la grande salle de palais, belle et bien parée, mais avec une feuille de saule dans les cheveux, il retira la feuille en éclatant de rire. La reine comprit qu'il avait percé le secret de ses rencontres au bord de la rivière avec un bel écuyer. Craignant qu'il ne révèle son secret au roi son époux, elle résolut de prouver à tous que le devin n'était qu'un imposteur
    Appelant un de ses pages, fort gracieux et doté d'un joli visage, elle lui demanda de se présenter à trois reprises devant le Roi en présence de Merlin. Le jeune homme devait à chacun de ses passages offrir une apparence totalement différente.
    Il entra d'abord sous son propre, puis quelques instants plus tard sous les traits d'une vieille femme drapée dans des vêtements sombres, enfin paré comme une jeune fille.
    A trois reprises, devant le roi et la cour, la reine demande à Merlin comment mourrait cette vieille femme qui venait d'entrer, cette jeune fille qui passait, ou ce charmant jeune page. Après un rapide coup d'œil à chacun, Merlin répondit que la vieille femme mourrait noyée, la jeune fille transpercée par une branche d'arbre, et que le jeune homme périrait d'une chute de cheval.
    La reine triompha devant son époux : Comment pouvait-il accorder sa confiance à un tel charlatan, capable de se laisser prendre aux ruses les plus grossières ?
    Merlin entendait les rumeurs et se taisait, en souriant calmement. A quelque temps de là, le page passa à cheval sur un pont. Sa monture prit peur et fit un écart. Le jeune homme bascula par-dessus le parapet. La rivière avait charrié un arbre mort sur lequel il se transperça la poitrine et, la branche ayant cassé sous son poids, sa chute mortelle se termina au plus profond de l'eau.





    Le brai de Merlin


    Lorsque Merlin se réveilla prisonnier de Viviane et des neuf cercles magiques qu'elle avait tracés autour de lui, il savait que personne ne pourrait dénouer cet enchantement. Il fit donc jurer à sa bien-aimée de ne jamais le quitter, ce qu'elle s'empressa de lui promettre. Et ils commencèrent à vivre heureux en forêt de Brocéliande. Mais parfois la nostalgie de sa liberté et le regret du temps de la Table Ronde emplissaient si fort l'âme de Merlin qu'il ne pouvait s'empêcher de gémir.
    Le premier à l'entendre se plaindre ainsi fut Gauvain, le neveu du roi Arthur, qui avait été chargé par son oncle de retrouver l'Enchanteur disparu.
    Aujourd'hui encore, au soir de certaines chaudes journées, lorsque le vent se lève et refroidit d'un coup la forêt de Brocéliande, on peut entendre comme un cri étrange, longue plainte modulée, qui se répète et que les vallons répercutent.
    Pour les gens du pays, pas de doute : à l'évidence ce sont les pleurs de l'Enchanteur qui résonnent ainsi sur la forêt. Il appelle dans l'espoir d'apprendre un jour la merveilleuse nouvelle du retour du roi Arthur.

    Voilà pourquoi cette lamentation a été baptisée le brai de Merlin.