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Le regard des autres et Passé recomposé
Pas vraiment un hasard, ce goût des lunettes noires.
Oh, y a pas plus bavard qu'un regard.
On vous a dit tout p'tit, les bons points et les fautes.
Moi, j'ai appris la vie dans le regard des autres.
Y'en a des froids, des durs qui te veulent du mal,
Des qui te clouent au mur à la Lauren Bacall.
J'en ai vu des si clairs, si purs et si profonds
Que j'ai donné, misère, l'bon Dieu sans confession.
Y'en a qui te jugent, précis, sans indulgence,
Comme un combat de rue dans le froid dans l'urgence
Et les tendres et discrets dans un battement de cils
Qui te disent "Je sais : c'est pas toujours facile."
J'y vois ce que je suis, ce que je ne suis plus.
C'est le livre où je lis tout c'que j'ai jamais lu
Et si je parle peu dans vos conversations,
Regarde-moi dans les yeux, je te dirai ton nom.
Y'en a des obliques, ceux des chiens de faïence,
Y a les regards suppliques, y a les regards offenses.
J'y ai lu du désir, de l'envie, du mépris
Et parfois du plaisir, parfois, c'est c'que j'ai dit.
J'y ai vu des appels plus stridents que des cris,
Les phrases les plus belles, plus sûres que par écrit.
Ils te disent l'amour, ils te disent la haine
Bien mieux qu'aucun je t'aime, bien mieux qu'aucun discours.
Tu peux changer de pays, même changer de visage
Mais ton regard te suit, signé comme un tatouage.
Si même les plus saints avaient besoin d'apôtres,
C'est que personne n'est rien, sans le regard des autres.
Y a ceux qui te cherchent, y a ceux qui te hantent,
Ceux que tu espères et tous ceux qui temanquent.
Regarde-moi dans les yeux, regarde-moi dans les yeux,
Dans les yeux.
Alors que les tambours résonnent la victoire
Et les cornemuses libres chantent pour Notre gloire,
Que les chacals vaincus n'ont plus de territoires,
Alors que sous la voûte, aux étoiles blafardes,
Les loups s'allongent enfin et à leurs rêves s'attardent !
La fée des étangs verts surgit de l'onde pure,
Portant toujours en son sein,
La brave Excalibur,
Et se met à danser
Nue sous la lune de bure,
Encerclée de lutins et de futés farfadets !
Elle approche du chêne
Où le Chevalier blême
Etait venu s'étendre,
Pour reposer sa haine !
Les yeux à demi clos, il n'ose entrevoir
La lumière tamisée passant dans son regard !
La pâleur de ce bleu,
Lui fait croire au trépas,
Alors qu'il est bien là,
Vivant, tendant les bras !
La chouette hulule,
Serait-ce donc minuit ?
Et soudains sur ses plumes,
Une poussière d'or frémit !
Le Chevalier se lève entraîné par la fée
Qui l'emmène vers les dunes
Pour son corps apaiser !
Là-bas, dans la taverne, les héros gaiement
Avec leur chope de bière continuent festoiements !
Mais le Chevalier noir a trouvé sa fortune,
Et s'en va à pas feutrés, enlaçant la dame brune !
Ils s'allongent tout deux, dans ce décors de brûme,
Et laissent enfin aller leurs âmes à l'abandon !
Ils sont bien à l'abri en Terre d'Avalon !
Là-haut sur le rocher
L'Archange toujours veille,
Lançant tous ses rayons,
Pour donner à tous les chevaliers,
La foi de toujours grimper,
Atteindre les sommets !
La scène aurait pu aussi bien prendre place,
Dans un maquis Mauresque
Au soleil du Midi,
Mais elle prend ici plus de sons pittoresques,
Car le silence du Lac
Est propice à l'ivresse !
Catherine Escarras