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Druides et druidisme
Le druide était un personnage omnipotent et omniscient de la société celtique, au point quil était à la fois ministre du culte, philosophe, gardien du Savoir et de la Sagesse, historien, juriste et aussi conseiller militaire du roi et de la classe guerrière. Il est en premier lieu lintermédiaire entre les dieux et les hommes. Il correspond donc à la première fonction de l'idéologie tripartite indo-européenne mise en lumière par Georges Dumézil.
Selon le récit de LIvresse des Ulates « Nul ne parle avant le roi, mais le roi ne parle pas avant son druide ».
Il était chargé de la célébration des cérémonies sacrées et lui seul avait le droit de pratiquer les sacrifices. Ce qui fait du druidisme, non seulement la religion des peuples celtes, mais aussi le fondement de toute leur civilisation.
Un seul nom de druide historique nous est connu, cest Diviciacos dont Jules César nous apprend quil gouvernait le peuple des Eduens. Les autres, dont il est question dans les textes, relèvent de la mythologie celtique .Il est ici question des druides et du druidisme de lAntiquité et non du mouvement néo-druidique contemporain.
Sources et Etymologie
Comme pour tout ce qui concerne la civilisation celtique, nous ne disposons daucun texte dorigine interne. Les druides eux-mêmes sont à lorigine de cette lacune : considérant que la parole écrite est morte, ils ont privilégié loralité et la mémoire pour la transmission du Savoir. Néanmoins, les Celtes connaissaient lécriture et lont utilisée de façon marginale. De plus, ils ont inventé les ogam ou écriture oghamique dont 300 inscriptions à vocation funéraire nous sont parvenues gravées dans la pierre.
Deux types de sources nous permettent dappréhender le sujet : les témoignages antiques et la consignation par des clercs, de traditions orales au moyen âge en Irlande. Pour la première catégorie, il faut citer notamment Diodore de Sicile (Histoires), Strabon (Géographie), Pomponius Mela (De Chorographia), Lucain (La Pharsale), Pline lAncien (Histoire naturelle), et surtout César qui, avec ses Commentaires sur la Guerre des Gaules, nous apporte de nombreuses et importantes informations sur la société gauloise ainsi que sur la religion et ceux qui en ont la conduite. Une deuxième source vient corroborer la première et lenrichir dune origine différente, il sagit dun ensemble de textes irlandais, pour lessentiel, écrits du VIIIe siècle au XVe siècle. Ils retranscrivent les mythes et épopées de lIrlande celtique qui se sont transmis oralement de générations en générations. Les collecteurs transcripteurs les ont affublé dun vernis chrétien, sous lequel létude découvre loriginal. De cette littérature, on peut citer : le Cath Maighe Tuireadh (Bataille de Mag Tured), le Tochmarc Etaine (Courtise dEtain), le Tain Bo Cualnge (Razzia des Vaches de Cooley), le Lebor Gabála Érenn (Livre des Conquêtes) et les Mabinogion gallois.
On a longtemps pensé (depuis Pline) que le mot druide était associé au chêne, à cause des rites associés à cet arbre. Les linguistes et philologues ont maintenant établi que ce terme spécifiquement celtique, présent tant dans le texte de césar que ceux du moyen âge, provenait de « dru-wid-es » qui signifie « très savants ».
La classe sacerdotale
Structure de la société celtique
César, relatant ses opérations militaires, avait noté que les Gaulois (la plèbe) étaient dirigés par deux classes dhommes, les druides et les chevaliers (equites). On retrouve cette hiérarchie dans la structure de la société divine des Tuatha De Danann, les dieux de lIrlande, qui reproduit le schéma de lidéologie tripartite des Indo-européens, telle quelle a été exposée par Georges Dumézil.
La classe sacerdotale qui possède le Savoir et fait la Loi ; elle administre le sacré et le religieux
La classe guerrière qui gère les affaires militaires sous le commandement du roi
La classe des producteurs (artisans, agriculteurs, éleveurs, etc.) qui doit subvenir aux besoins de lensemble de la société et en priorité ceux des deux autres classes
Hiérarchie et structure de la classe sacerdotale
La classe sacerdotale est elle-mêmehiérarchisée, et ses membres possèdent des « spécialités ».
le mot druide est un terme générique qui sapplique à tous les membres de la classe sacerdotale, dont les domaines dattribution sont la religion, le sacrifice, la justice, lenseignement, la poésie, la divination, etc.
le barde est spécialisé dans la poésie orale et chantée, son rôle est de faire la louange, la satire ou le blâme.
le vate est un devin, il soccupe plus particulièrement du culte, de la divination et de la médecine. Les femmes participent à cette fonction de prophétie (telles les Gallisenae de lîle de Sein).
Dans la tradition irlandaise le file (pl. filid) est un devin, il a remplacé le barde dont il possédait aussi les attributions. En fonction de leurs spécialité, les filid sont sencha (historien, professeur), brithem (juge et juriste), scelaige (conteur), cainte (satiriste), liaig (médecin), dorsaide (portier), cruitire (harpiste), deogbaire (échanson). Le devin est le faith, la prophétesse est banfaith ou banfile. Ollamh est le titre le plus élevé (le sens du mot est docteur, savant) devant lanruth (brillant), l'oblaire étant l'étudiant .
Le rôle du druide dans la société
En tant que ministre de la religion, le druide procède à tous les rites cultuels, et en particulier aux sacrifices. Si les sacrifices humains de prisonniers de guerre sont attestés, il semble cependant quils étaient réservés à des circonstances exceptionnelles, les sacrifices animaux (chevaux, taureaux) ou symboliques était plus courants.
Lenseignement, cest-à-dire la transmission orale du savoir, fait aussi parti de ses responsabilités. Cest encore César qui nous apprend « quun grand nombre de jeunes gens viennent sinstruire chez eux » et que les études peuvent durer 20 ans ; on cite le chiffre de 150 élèves pour le druide mythique Cathbad, dans la tradition irlandaise.
Dans le contexte celtique, le domaine juridique fait parti de la théologie et relève donc de la religion. Cest donc tout naturellement que les druides sont à la fois juristes et juges. Le non-respect dun contrat est sanctionné par des peines qui sont codifiées selon la nature de la faute et le rang des parties dans la hiérarchie sociales. Si cest le roi qui prononce la sanction, cest le druide qui conseille.
Compte tenu de la primauté de son statut, du prestige attaché à sa fonction, et aussi de sa qualité de juriste, il a aussi la charge des relations diplomatiques pour prévenir la guerre ou régler les compensations après lagression. Notons au passage quun druide peut participer à la guerre, il ny a pas dinterdit ni dobligation, le druide-guerrier est un personnage assez courant. Ainsi, à titre dexemple, le druide Cathbad, dont le nom signifie « Tueur au combat ».
En tant que Savant et garant du savoir, il est logique que les domaines de lhistoire, de la généalogie, de la toponymie soient de son ressort, étant entendu que ce que nous appelons mythologie avait une réalité à cette époque. Pour des raisons de légitimité et de souveraineté, ces disciplines se devaient dêtre les plus précises possible.
Les Tuatha De Danann (Gens de la déesse Dana les dieux de lIrlande) ont un dieu-médecin, Diancecht qui est un expert dans la magie et la médecine, il soigne et rétablit les blessés, il ressuscite les morts en les immergeant dans la Fontaine de Santé, il fabrique une prothèse au roi Nuada qui a eu le bras arraché. Les épopées sont pleines de ces guérisons, où les plantes, les incantations et les breuvages magiques sont utilisées.
Leur grande connaissance de astronomie leur aura permit de conceptualiser le temps, dont nous avons une idée grâce au calendrier de Coligny, qui date de lépoque gallo-romaine.
Le roi ne prend pas la parole avant le druide, mais ils forment une sorte de binôme indispensable et antagoniste. Si le roi exerce la Souveraineté, il le fait sous linspiration du druide qui lui doit le conseil, il y a dépendance du pouvoir politique au spirituel.
Les pratiques
Certains textes irlandais font état de lintervention des druides au moment de la naissance, pour donner un nom à lenfant et pratiquer une lustration, que lon assimile à une forme de baptême.
Lattention portée aux présages est générale, car ils sont lexpression des volontés divines et donc les présages et la divination ne peuvent relever que du religieux dans la mesure où le druide est lintermédiaire et sa parole sacrée. Cest donc un domaine illimité dés linstant quil est question de lavenir.
Le mot irlandais geis (pluriel geasa) désigne un interdit qui peut être négatif,sens dinterdiction, ou positif, sens dobligation ; la geis a force de loi. Elle sadresse principalement au roi et aux membres de la classe guerrière et recouvre lensemble des activités de la vie quotidienne.
La magie, dont la médecine est un prolongement, fait appel à des techniques rituelles. Les plantes médicinales en sont un élément important, il faut aussi noter lélixir doubli qui affecte la mémoire, la musique, la Fontaine de Santé qui guérit les blessés dans les batailles et ressuscite les morts, la pomme, symbole celtique par excellence de limmortalité et du savoir, la cueillette du gui accompagné du sacrifie de taureaux, et bien dautres.
Les éléments aussi participent à cette religion : leau par son pouvoir de lustration, le feu qui sert aux sacrifices ou à la purification des troupeaux, le vent qui a le pouvoir dégarer ou danéantir, le brouillard qui permet de se déplacer de manière invisible.
Les incantations sont aussi une pratique très usitée. La littérature irlandaise parle notamment du glam dicinn qui est une malédiction suprême qui entraine la mort, de l'imbas forosnai qui a le sens dillumination, le dichetal do chennaib cnâime dont la signification nous est inconnue, mais semble être une improvisation. La louange est de la responsabilité du barde, c'est une forme de poésie qui consiste à mettre en valeur les qualité dun personnage. Le blâme est de même nature avec lobjectif contraire, à ne pas confondre avec la satire qui est une incantation religieuse et légale qui entraîne généralement la mort. La geis est une incantation constituée d'obligations et d'interdits que les membres de la classe des guerriers doivent respecter, sous peine de mort.
Les fêtes
Lannée celtique comporte quatre grandes fêtes au caractère obligatoire, labsence étant punie de mort.
Samain dont le sens est « réunion » a lieu le 1er novembre. Plus que le nouvel an, cest le passage dune année à lautre, sa célébration dure une semaine qui est hors du temps, ce qui favorise les contacts avec l'Autre Monde. Elle se caractérise par des festins et des beuveries rituelles.
Imbolc qui signifie « lustration » est le 1er février. Cest la purification qui marque la fin de la période hivernale.
Beltaine les « feux de Bel » au 1er mai est une fête sacerdotale en rapport avec Belenos et de sa parèdre Belisama, qui marque le passage de la saison sombre à la saison claire avec le changement dactivités que cela implique. Les druides allument de grands feux pour protéger le bétail, essence même de la richesse.
Lugnasad est l' assemblée de Lug le 1er août. Cette fête est consacrée au roi dans son rôle de redistributeur des richesses et de protecteur. Cest loccasion de conclure des contrats de toutes sortes (commerciaux, matrimoniaux, juridiques) et de se mesurer dans des compétitions (joutes littéraires, sports).
Le Druidisme
Selon le Lebor Gabala (Livre des Conquêtes) Le druidisme a été inventé par les Partholoniens, arrivés en Irlande 312 ans après le déluge et qui vont loccuper pendant 5000 ans. César aussi pense quil est originaire de lîle de Bretagne, puis sest répandu en Gaule ; dailleurs il affirme que nombre détudiants vont se perfectionner là-bas.
Tout ce que lon peut dire à ce propos ne peut être quune émanation de ce que nous savons de ses ministres. Plus quune religion, au sens où nous le comprenons aujourdhui, le druidisme est le fondement même de la civilisation celtique, et le règlement de lensemble de la société. Toute la vie des Celtes est sous le contrôle des druides.
Les Celtes étaient convaincus de limmortalité de lâme, cest la raison pour laquelle les guerriers néprouvaient aucune peur de la mort lors des batailles. Des confusions dans la lecture des textes ont suggéré la notion de réincarnation, mais celle-ci est inexistante.
Le Sidh est le nom gaélique qui désigne l'Autre Monde celtique, il se situe à louest, au-delà de lhorizon de la mer, dans des îles magnifiques ; sous la mer, dans les lacs et les rivières où se situent de somptueux palais de cristal aux entrées mystérieuses ; sous les collines et les tertres. Cest le séjour des dieux.
Le culte se pratiquait dans des aires sacrées appelées Nemeton en langue gauloise (et nemed en gaélique) dont on trouve la trace, par exemple, dans le toponyme de la forêt de Nevet près de Locronan (Finistère), dont la Troménie, procession chrétienne, perpétue le souvenir dune cérémonie druidique. Il est fort probable que des monuments mégalithiques, tels Carnac ou Stonehenge, aient été récupérés par les druides. Si à lorigine le Nemeton fut probablement un endroit ouvert, il a considérablement évolué pour devenir un enclos, de forme généralement quadrangulaire, comprenant des édifices en bois et un puit à offrandes.
Les filid irlandais ont élaboré un système de notation, les ogam (parfois appelée écriture oghamique), qui na jamais servi à la rédaction de textes, mais à des inscriptions funéraires (dont 300 nous sont parvenues) ou incantatoires gravées dans la pierre ou le bois. Attribué par la tradition à Ogme le dieu de la magie et de léloquence, cet alphabet composé dencoches et dérivé de lalphabet latin en association avec des noms darbres, resta cantonné à lIrlande, lÉcosse et le Pays de Galles.
La thèse dune origine chamanique préhistorique fut avancée, mais elle ne résista pas à lanalyse, et fut rapidement abandonnée. Par ailleurs, si le sanglier est lanimal emblématique de la classe sacerdotale, la notion de totémisme est totalement à exclure, ne correspondant pas dans sa définition aux conceptions celtiques.
Diviciacos
Latinisé en Diviciacus, le nom a le sens de « divin » est le seul druide de lAntiquité dont lexistence est historiquement avérée. Les autres, dont les noms nous sont parvenus, notamment par le biais de la littérature irlandaise médiévale, relèvent du mythe et de la mythologie celtique, tels Cathbad ou Coirpre.
Jules César, qui était en relation avec lui, en parle à plusieurs reprisesdans les Commentaires sur la Guerre des Gaules et note ses qualités de diplomate.
En plus de sa qualité de druide, il était le chef politique des Éduens, lun des peuples les plus puissants de la Gaule du Ier siècle avant JC. Il cumulait donc les fonctions de la classe sacerdotale et celles de la classe guerrière. Face aux agressions germaniques venues de lest et aussi pour préserver la prédominance de son peuple, il était partisan dun rapprochement avec Rome. En lan 63, il se présente devant le Sénat romain pour négocier une aide militaire ; il est lhôte de Cicéron. La migration des Helvètes vers louest de le Gaule sert de prétexte à linvasion des légions romaines.
On lui connaît un frère, Dumnorix, farouchement anti-romain, qui sera exécuté sur ordre de César.
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