• Barenton et Eudon

    LA célèbre, la fontaine de Barenton est un lieu d’exception. Rares sont les endroits en Brocéliande où le légendaire arthurien côtoie de si près notre présent...
    L’image idéale de l’ancienne "légende" colportée par les bardes bretons.

    Chercher Barenton, c’est accepter de se perdre et effectivement la 1ère fois ont c'est perdu... La quête a longtemps été une aventure hasardeuse. Cachée dans les landes de Lambrun, la rieuse en a découragé plus d’un. De nombreux sentiers parcourent la lande. On a toujours l’impression de s’en approcher, et pourtant, il arrive qu’on tourne autour, voir qu’on s’en éloigne. Aujourd’hui le balisage facilite l’approche depuis le village de Folle Pensée mais il convient de rester vigilant... La source se dévoile par surprise. Quelques blocs de pierre entourent un modeste trou d’eau abrité par un taillis de chêne. Elle peut étonner par sa simplicité, et même paraître désuète. « Barenton, comme le reste des merveilles de la forêt, ne s’offre précisément qu’aux démunis, à la passion solitaire, quête désintéressée et hors circuit. Ceux qui abordent la fontaine comme une attraction de “Merlin Land”, et rêvent de l’apprivoiser par des pensées idiotes comme si Merlin n'était qu'une attraction de foire , redescendront d’ici poussés par le Serein de Barenton, un vent mystérieux et glacé .. » . Il faut s’asseoir, écouter, s’imprégner des éléments, et ainsi goûter la quiétude du lieu. Quelques bulles de gaz agîtent soudain la surface de l’eau. La fontaine semble alors vouloir se raconter.

    Chrétien de Troyes au XIIe siècle et les romanciers du moyen-âge en ont révélé les secrets merveilleux. Les amours de l’enchanteur Merlin qui rencontra en ce lieu Viviane. Yvain le Chevalier au lion aux prises avec le Chevalier Noir gardien de la fontaine. Et la magie que renferme ce gros bloc de pierre qu’on appelle le perron de Merlin, sur lequel on doit de s'assoir , place magique ...Baigné aussi de la présence de la gardienne de la Fontaine , la fée Laudine .


    Le perron de Merlin
    Versez dessus l’eau de la fontaine, et la pluie s’abattra sur vous.

    On apprend alors qu’en versant dessus de l’eau puisée à la fontaine, un incroyable cataclysme (ou au moins un orage) se déchaîne dans l’heure qui suit. La légende devint une croyance populaire. Ainsi au XVe siècle, il fallait l’intervention personnelle du seigneur de Montfort pour que le phénomène s’accomplît. Dans les Usements et Coutumes de la Forêt de Brécilien, on peut lire : « Joignant à la Fontaine de Belenton, y a une grosse pierre qu’on nomme le perron de Belenton, et toutes les fois que le seigneur de Montfort vient à ladite fontaine, et de l’eau d’icelle roule et mouille le dit perron, il pleut au pays si abondamment que la terre et les biens estant en icelle en sont arousés et moult leur proufitte ». Et plus tard, ce pouvoir échut au curé de Concoret. Pour la dernière fois, en août 1835, lors d’une sécheresse exceptionnelle, le clergé de la paroisse organisa une procession solennelle. Le curé bénit la source, y trempa le pied de la croix et le secoua sur le perron de la fontaine. On assure qu’une pluie abondante s’abattit alors sur la région.

    On dit aussi que les propriétés curatives de l’eau de Barenton étaient connues des druides. Pendant des siècles, on baignait les enfants dans la fontaine en espérant les guérir de la rache (eczéma). L’eau était également utilisée pour la guérison des maladies mentales. Le nom du village de Folle Pensée viendrait de là . L’implantation d’un sanatorium antituberlineux fût même envisagée au début des années 30.

    Enfin, au milieu du XIIe siècle, les alentours de Barenton étaient le refuge d’un étrange personnage, Éon de l’Étoile. Le « prophète de l’apocalypse » y rassemblait ses disciples. Pendant quatre années, il agita la contrée et y laissa une rumeur de sorcellerie. C’est à cette époque que la petite chapelle édifiée non loin de la fontaine fût détruite.

    A l’évidence, il ne faut pas se fier aux apparences. A Barenton, on n’est jamais vraiment seul. La discrète fontaine est toujours là, éternelle, fabuleuse, n’offrant ses richesses qu’à ceux qui veulent bien s’y attarder. Et c’est bien ainsi...

     



     Eudon de l'Etoile

    Pendant une huitaine d'années, Eon ou Eudon de l'Etoile terrorisa les moines des monastères de Bretagne, de Normandie, jusqu'à accumuler un considérable trésor en forêt de Brocéliande, au coeur des ruines d'un vieux prieuré.
    Eon de l'Etoile pillait allégrement les abbayes et monastères avec une forte armée, composée principalement  de réprouvés, de paysans et de bourgeois qui voyaient en lui plus qu'un prophète : le bras de Dieu.


    Située près de Rennes, dans l'Ille-et-Vilaine, la forêt de Brocéliande, dite maintenant " de Paimpont ", village voisin, offre de nombreuses légendes, souvent en rapport avec des trésors. Le plus authentique d'entre-eux semble être celui d'un terrible illuminé de dieu qui ravagea le pays au XIIe siècle, et avait installé sa communauté dans ces bois enchanteurs.
    Cette étude sera pour nous l'occasion de partir à la rencontre d'autres dépôts réputés cachés à Brocéliande.

    Au XIIe siècle, en Bretagne, vers 1140, c'est à dire dans les dernières années du règne de Conan III, apparut dans la forêt de Brocéliande, actuellement dite de Paimpont, près de la commune du même nom, en Ille-et-Vilaine, un étrange personnage qui se faisait nommer Éon.

    Il était né dans la région de la forêt de Loudéac, et était issu d'une famille noble. Son vrai nom était Eudon, qui, déformé, donna Éon, auquel on rajouta " de l'Étoile ", en rapport avec la comète qui, précisément traversa la ciel en 1148
    (Note de la rédaction : autrefois, l'apparition de comètes était supposée coïncider avec l'apparition de grands hommes, par référence à celle du christ, marquée par ce signe).

    Il aurait débuté dans la vie comme moine de l'Ordre de Saint-Augustin . Une nouvelle affectation lui ayant grandement déplue, il quitta les Ordres. Il vécut dès lors comme un ermite dans la forêt de Paimpont ; la vieille Brocéliande, à l'Ouest de Rennes. Cette immense forêt était six siècles auparavant un vaste massif de chênes et de hêtres qui couvrait tout le centre de l'Armorique. La forêt de Paimpont, que l'on connaît aujourd'hui et qui ne couvre que 7 000 hectares, n'en est plus que le reliquat. Ces terres étaient autrefois nommées Brécheliant, et c'est sans doute la vraie Brocéliande, celle qui englobe le mythe, très ancien, du Graal, de Merlin, et des Chevaliers de la Table Ronde. Ses frondaisons mystérieuses, ses étangs et ses vallées perdues étaient, au Moyen Age, un repaire idéal pour tous les proscrits. On ne traversait pas Bréchéliant facilement ; l'endroit était secret, plein de dangers, peuplé de personnages inquiétants et d'animaux féroces.
    La petite église de Tréhorenteuc, près de Paimpont (Ille-et-Vilaine) mérite le détour : elle est chargée de symboles indiquant que le Graal est caché en forêt de Brocéliande.


    Éon s'établit dans un couvent bâti à l'emplacement d'un ancien établissement druidique, qui existait encore au XIe siècle, quand un seigneur de la région y établit un monastère. Celui-ci fut ensuite abandonné.
    C'est de ce prieuré, dit du " Moinet ", qu'Éon commença à défrayer la chronique. Le solitaire raconta qu'un jour, l'esprit de Merlin l'enchanteur lui enjoignit de se rendre à une messe. Éon quitta son ermitage, et participa donc à un office, au cours duquel il fut frappé d'entendre le prêtre répéter plusieurs fois la phrase latine " Per eum qui venturus est judicare vivos et mortuos " (par celui qui doit venger les vivants et les morts). Éon compris ces paroles en pensant que " per eum " signifiait " par Éon ". C'était donc lui, l'élu qui devait juger les vivants et les morts !

    A partir de ce moment, il changea radicalement son mode de vie et de pensée. Il devint prophète, et commença à accueillir dans son ermitage des adeptes qui se firent de plus en plus nombreux.
    Éon les éblouissait par des tours de magie qui le magnifiaient. Il apparaissait parfois nimbé d'une étrange lumière, ce qui frappait l'esprit de ses visiteurs. Il avait aussi le don d'ubiquité : on pouvait le voir en plusieurs endroits en même temps. Il organisait de nombreux banquets où l'on pouvait manger les mets les plus délicats. Les invités racontaient que pourtant, ils se retrouvaient après ces repas les estomacs complètement vides, on parlait d'enchantements pour évoquer ce qui n'était sans doute qu'habile suggestion. Les fidèles d'Éon venaient de toutes les classes de la société médiévale, mais la plus grande partie des troupes se composait de serfs, de paysans oppressés d'impôts et de vexations. Ce petit peuple, qui en voulait à la noblesse et au clergé trouva auprès d'Éon quelqu'un à l'écoute de leurs difficultés, et qui aurait peut-être les moyens de les protéger ou de les venger. La bande se mit à piller châteaux, églises et monastères alentours. Un butin énorme s'entassait peu à peu au prieuré du Moinet, et Éon devenait très riche. Il redistribuait une partie de ces trésors à ses compagnons, toujours plus nombreux autour de lui ; toujours plus violents, sûrs d'eux et actifs. En cela, Éon devint un précurseur du communisme. Ses brigandages s'effectuaient au détriment des riches, jamais des pauvres, et visait à une redistribution des biens saisis. On pourrait voir en Éon de l'Étoile une sorte de " Robin des Bois " à la française, quelque peu prophète et habile magicien.

    L'ermite du Moinet prenait beaucoup de goût, après le pillage d'une église ou d'un monastère, à revêtir des défroques religieuses et à paraître ainsi vêtu à ses coreligionnaires. Ces tenues augmentaient son prestige (note de la rédaction : et le fait que la foudre divine ne le frappe pas pour ces sacrilèges ne faisait que renforcer son rôle d'élu).
    Éon avait étrangement organisé sa bande. Ses membres étaient dits anges ou apôtres, selon leur grade, et leurs noms étaient science, sapience, jugement etc...
    Peu à peu, il créa une vraie religion, et cette " hérésie Éoniste " grandissait de plus en plus, dépassant finalement les frontières mêmes de Brocéliande, allant se répandre jusqu'à Saint-Malo, et faisant même des émules en Gascogne. Tout commençait donc à devenir très grave, et à inquiéter les autorités politiques et religieuses. Le mouvement Éoniste qui, peu à peu, prenait l'aspect d'une authentique révolte paysanne généralisée. Le pape de l'époque, Eugène III, vint à Reims, présider un concile (note de la rédaction : ce concile était destiné à organiser la lutte contre l'hérésie, le catharisme ayant, plus tôt qu'en Albigeois, touché les masses populaires de Champagne).

    Il entendit bien y parler d'Éon, et demanda qu'on le prit, afin de le mettre en sa présence. L'archevêque de Reims contacta le duc de Bretagne, Conan III, qui chargea ses hommes de s'emparer du fauteur de troubles. Capturé, Éon fut conduit à Reims pour y être finalement jugé par un tribunal ecclésiastique.
    La révolution sociale prêchée par Eon de l'Etoile ne pouvait qu'affoler les autorités, surtout religieuses. Le pape, en voyage à Reims, le fit donc arrêter et conduire devant lui. Après quoi, il mourut, dit-on, en se repentant des erreurs commises.


    On le passa à la question. Qui était-il ? " Ego sum ille qui venturus est judicare vivos et mortuos et seculum per ignem " fut sa réponse, soit " je suis celui qui doit venir juger les vivants et les morts ".

    Le pape l'ayant vu pour la première fois avec un bâton fourchu à la main, tenu comme une crosse d'évêque, lui demanda quelle était le signification de cet emblème. Éon lui répondit que par celui-ci, il partageait le monde avec dieu. Toute l'assemblée se mit à rire, et on le prit pour un fou. Mais, ce fou faisait peur, et, pour ne pas qu'il retourna comme auparavant séduire le peuple, il fut envoyé " en une étroite prison ", dans laquelle il mourut peu après, " avec son bon sens recouvré " dit-on.

    Restait ses amis, ses bandes de pillards, et avec eux, c'était une autre affaire. Il avait fait de nombreux disciples, dont beaucoup étaient devenus à leur tour ermites, à Brocéliande, mais aussi en forêt de Loudéac et quelques autres lieux tout aussi secrets. " Ils s'y tinrent si opiniâtrement qu'on eut du mal à les prendre, bannir, brûler et défaire " disent les chroniques du temps.
    C'étaient des " durs à cuir " au sens propre du terme. Avant d'être jeté dans le feu des bûchers qu'on leur réservait, ils ne reniaient rien, et se faisaient gloire de mourir ainsi pour leurs croyances.
    Il fallut se résoudre, en Brocéliande, à détruite le prieuré du Moinet, ce qui se fit sur l'ordre de l'évêque d'Aleth. N'en resta plus que la chapelle Saint-Mathurin, à laquelle on n'osa pas toucher. Elle s'écroula d'elle même bien plus tard, et on éleva à son emplacement une croix de bois qui ne disparut qu'en 1840. Ainsi, par la volonté de l'autorité ecclésiastique et politique, on supprima toutes traces de l'aventure Éonienne.
    Après la disparition des derniers Éonistes, la parenthèse ne fut plus commentée, et l'on s'empressa d'enfouir dans les brumes de l'Histoire jusqu'au souvenir de cette étrange tentative de partage des richesses qui avait tant fait de mal dans la région, et fait si peur aux nantis.

     Les trésors d'Éon de l'Étoile

     Qu'en est-il advenu des trésors amassés au prieuré du Moinet par Éon et ses coreligionnaires ? Ceux-ci existaient bien. Un jour, un proche d'Éon vint le voir au monastère pour tenter de le raisonner et de le ramener à la religion vraie. De l'Étoile se contenta pour toute réponse de lui montrer ses amas de richesses et d'argent monnayé, déclarant en avoir plus que deux rois n'eussent pu en fournir, et l'autorisant à y puiser comme il l'entendait.
    Le pillage des monastères et des églises, des châteaux aussi, bref, de tous les centres ou l'or et les valeurs se trouvaient amassés, avaient apporté à Éon et à ses compagnons de considérables profits. Il est très possible que certains de ses disciples, avant de périr sous les persécutions lancées contre eux, aient pris la précaution de cacher le pécule qu'ils avaient pu amasser en quelques années. Il n'est pas impossible qu'Éon ait fait de même. Il n'est qu'à se souvenir de ce qui se passa plus tard pour d'autres révoltes, celle des cathares, des camisards, des vendéens, pour comprendre combien ces caches supposées sont loin d'être hypothétiques. L'abondance régnait au camp d'Éon, et on ne trouve aucune trace du fait que ces trésors aient par la suite été récupérés, ce qui n'est d'ailleurs pas concevable en soi.

    La fontaine de Barenton, près de laquelle, enchaînée au perron dit de Merlin ,se trouvait une coupe d'or. Un autre vase du même métal a été découvert dans les environs. il est maintenant au Musée de Saint-Germain-en-Laye.

    La compagnie Éoniste sévit de 1140 à 1148, soit huit années passées à accumuler de considérables fortunes ; cela devait représenter une belle quantité de métaux précieux !
    Où chercher ? et bien se procurer une carte de la foret :-) et surtout d'aller voir l'église du Graal , "observer et analyser" .. En tout les cas , j'en ai fait un rapprochement avec un tableau peint dans cette église et de ce mystèrieux Eudon!
    Un toponyme est significatif à l'extrême nord de la forêt de Brocéliande. Il est dit " les Rues-d'Éon ". Il est tentant d'y voir l'endroit où se tenait Éon et sa célèbre compagnie. Ce lieu, tout aussi désert qu'autrefois, se trouve au sud-est du bourg de Concoret.
    La forêt proche, ainsi que celles de Loudéac, Lannouré, la Hardouinais, sont également susceptibles d'avoir servi d'abris aux amis d'Éon. Reste t'il sur place quelques vestiges de ces ermitages Éonistes ?

    On pourra noter aussi trois lieux-dits " Ville-d'Eon " situés dans la forêt de Paimpont, dont un près d'un autre endroit nommé lui " Ville-aux-Moines ", situé au nord-est du massif. N'oublions pas que la communauté dont disposait Éon dans les quatre dernières années de son action était très dense, ce qui explique que plusieurs ermitages aient été nécessaires pour installer tout le monde. C'est d'ailleurs sans doute cette multiplicité de camps qui rendait Éon si invulnérable.
    Notons que la tradition veut que les maisons du hameau de Folle-Pensée aurait, selon la tradition, été construit avec les pierres du prieuré occupé par Eon et ses turbulents disciples.