Issu dune famille florentine installée dans le Comtat Venaissin au XVe siècle, Folco de Baroncelli est né en 1869 à Aix . Sa famille, quoique aristocratique, parlait le provençal, une véritable hérésie à l'époque où cette langue ne pouvait être que celle du peuple. Ses premiers contacts avec les taureaux remontent à son enfance, passée au château de Bellecôte, à Bouillargues, près de Nimes, chez sa grand-mère. Les troupeaux y faisaient étape au moment de la remontée vers les pâturages de la petite Camargue.
Après ses études à Avignon, alors ville taurine et capitale des félibres, il rencontre Mistral et Roumanille. Dès 1890, il publie un premier ouvrage en provençal, Babali, et dirige avec Mistral le journal L'Aioli. La découverte de la Camargue va alors sceller son destin. Il sera manadier envers et contre tout. Le temps de se marier avec la fille d'un propriétaire de Châteauneuf-du-Pape, et en 1895 il s'installe en Camargue où il crée la "Manado santenco", aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Devant tant de détermination et de passion Mistral lui déclare: "je te confie la Camargue." Qu'est-ce que la Camargue en cette fin de XIXe siècle ? Endigué depuis moins de trente ans, c'est un pays encore hostile, un bout du monde....un pays insalubre. Il y fait chaud ou froid, les moustiques pullulent, l'été les marécages empestent, les gens y sont pauvres et travaillent durement. Mais l'imagination enflammée et poétique de Folco de Baroncelli n'en a cure.
Il voit bien autre chose : une terre provençale intacte, la gardienne d'une identité:
'J'ai voué ma vie à un idéal: la Provence, et je n'ai embrassé mon métier que pour mieux servir cet idéal, pour me trouver plus près du peuple provençal, pour mieux arriver jusqu'à son coeur et pour mieux l'aider à sauver son passé de gloire, sa langue et ses coutumes."
En 1853, le mariage de l'Espagnole Eugénie de Montijo avec Napoléon III avait ouvert la voie de la tauromachie en France, mais les taureaux camarguais n'étaient alors qu'un bétail dégénéré à demi-sauvage dont on s'amusait parfois. Il supportait mai la comparaison avec les fougueux toros de corridas. En 1869, Christophe Yonnet tente les premiers croisements entre race brave espagnole et race camarguaise. Malgré sa large diffusion dans les manades, le résultat médiocre de ce croisement inapte à la tauromachie espagnole comme aux jeux provençaux qui émergent timidement marque le début de la reconquête de la pure race Camargue. Le marquis, avec d'autres, en est le grand ordonnateur, tout comme il participe activement à la codification de la course camarguaise naissante. La sélection draconienne qu'il opère est récompensée en 1909 par son taureau Prouvenço, historique cocardier qui déchaine les foules, baptisé ainsi autant pour ses qualités esthétiques que combatives. Son modèle et l'allure de ses cornes fixeront le type du TORO Camarguais.
En 1904, le manadier de l'Amarée, un mas proche du village, crée la "Nocioun gardiano". Elle participera aux processions, montée sur ses chevaux blancs, bientôt suivie des Arlésiennes.
Sa rencontre en 1908 avec Jeanne de Flandreysy le marque à jamais. Il tombe amoureux fou de cette belle mais très indépendante femme, véritable égérie provençale. Si, amoureusement, leur relation fut brève, leur amitié dura jusqu'à la mort du marquis. Elle l'incita à écrire et racheta en 1918 le palais du Roure, le sauvant de la ruine.
Il défend bien sûr les gitans pour qu'ils obtiennent le droit d'honorer publiquement leur patronne, Sainte Sara. Tous les grands hommes que comptent la Provence y viennent à commencer par les félibres et Mistral lui-même. Les gitans, eux, sont toujours écartés de cette fête et ne peuvent entrer dans l'église des Saintes adorer Sara que par une porte dérobée. Baroncelli se bat afin que le culte de Sara soit reconnu par l'Église. Il obtiendra gain de cause, et le 24 mai 1935 se déroule la première bénédiction à la mer de la patronne gitane. Il faudra attendre un an de plus pour que l'évêque dAix précède et bénisse la procession. L'engouement des gitans sera alors immense, et ils seront de plus en plus nombreux à se retrouver autour de Sara, à l'habiller de vêtements colorés, de bijoux, et à manifester leur grande ferveur. Pour lui, il ne s'agissait que de rendre hommage à tout le "peuple gitan" et d'associer de manière plus étroite la Provence camarguaise à ce pèlerinage symbolique de l'évangélisation de nos terres et rivages. Folco de Baroncelli, extrêmement attaché aux traditions provençales, reste cependant le personnage incontournable de ce pèlerinage.
Deux faits résument l'extraordinaire attachement des Camarguais à cet homme qui leur donna tant. En 1930, alors que, désargenté, il doit quitter le mas de L'Amarée où il habitait les Saintois se cotisent et lui offrent un terrain sur lequel il construira le mas du Simbèu ( le Symbole), dont il sera expulsé en 1943 par les Allemands.
L'autre a trait à sa mort survenue à Avignon le 15 décembre 1943, à l'âge de 74 ans, après avoir été blessé par un cheval. Lors du transfert de ses cendres aux Saintes, en 1951, alors que le convoi funèbre longeait les prés, les taureaux de son ancienne et prestigieuse manade se regroupèrent et suivirent lentement le cortège, comme accompagnant leur maître une dernière fois. Les gens présents en parlent encore avec une indescriptible émotion.
Ainsi vivent la Camargue et la mémoire du marquis, son plus fidèle amoureux.