Le mystère de "l'évangile selon Judas"
Quel crédit apporter à ce manuscrit révolutionnaire qui fait de Judas le seul apôtre à avoir compris Jésus ?
Judas, le favori de Jésus!
Le fameux codex en papyrus comprend un dialogue entre Jésus et Judas l'Iscariote. Dans cette discussion apparaissent plusieurs phrases-clefs comme : "Tu les surpasseras tous, tu sacrifieras l'homme qui me sert d'habit" ou encore "Je t'enseignerai les mystères du Royaume (…) mais pour cela tu souffriras beaucoup". Autant de citations qui font de Judas non plus un traître, mais le préféré de Jésus. Celui qui accepte de le sacrifier et d'endosser le mauvais rôle pour que se révèle son essence divine. Celui par qui s'accomplit la volonté divine en permettant la résurrection. L''image traditionnelle de Judas, bête noire de la chrétienté, est donc remise en cause par ce texte.
Mais les fausses reliques religieuses sont légions. Doit-on prendre cette nouvelle trouvaille au sérieux ou l’inscrire au rang des contrefaçons à scandale ?
Un authentique document... qui n'a pas été écrit par Judas
"L'évangile de Judas" est cité par les premiers chrétiens et notamment par Irénée, Evêque de Lyon, qui le dénonce pour hérésie au milieu du IIe siècle. Le texte n'est donc pas une invention sortie de l'imagination de faussaires modernes. En revanche, le document retrouvé, écrit non en grec mais en copte (la langue des premiers chrétiens d'Egypte), est daté du IIIe ou IVe siècle par les experts. Il ne peut donc s'agir que d'une copie ultérieure de l'original. Pas d'un faux, mais d'une authentique reproduction.
On peut aussi penser que le premier manuscrit, pas celui qui vient d'être retrouvé mais l'original, n'a pas été écrit par Judas lui-même. Les spécialistes supposent en effet que les évangiles sont des compilations de paroles des évangélistes, recueillies et retranscrites ultérieurement par les premiers chrétiens. Ceci vaut également pour les quatre évangiles reconnus par l'Eglise : ceux de Jean, Luc, Marc et Mathieu. Ces quatre textes présentent de grandes similitudes, contrairement aux évangiles non reconnus par l'Eglises, comme ceux de Philippe, Thomas, Marie-Madeleine, ou encore celui de Judas. Des évangiles dits "apocryphes", fortement influencés par d'autres croyances et courants de pensée.
… Et influencé par la pensée gnostique
Le fond et la forme de l'Evangile selon Judas semblent en effet le rattacher aux courants dit "gnostiques". Pour ces groupes qui fleurissent aux premiers temps de la chrétienté, seuls quelques élus rejoignent la vie éternelle. Pour les gnostiques, sont "sauvés", non pas ceux qui croient en Jésus, mais ceux qui connaîssent Jésus, ceux qui parviennent à percer les secrets du divin après une longue quête initiatique.
Le manuscrit retrouvé, qui fait de Judas une sorte de "favori' de Jésus lui enseignant "les mystères du Royaume", semble fortemment influencé par cette pensée gnostique.
Dans tous les cas, ce texte reste un document des plus précieux pour tous les spécialistes. Il montre que la chrétienté des premiers siècles n'a pas été un bloc monolithique, mais un ensemble mouvant animé par de nombreux courants de pensée.